Apparaissant à intervalles réguliers dans YFile, « Ouvre ton esprit » est une série d’articles qui offrent un aperçu des différentes façons dont les professeurs, les chercheurs et les étudiants des cycles supérieurs de l’Université York se font les champions de nouvelles façons de penser dans leur recherche et leur enseignement. Leur approche, fondée sur un désir de viser l’inattendu, trace une voie nouvelle pour les générations à venir.

Aujourd’hui, les feux sont sur Francis Garon, professeur agrégé au Département de science politique et à l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

Les intérêts de recherche de M. Garon portent sur la démocratie délibérative, les politiques publiques et les questions de l’immigration et de l’intégration.

Q. Décrivez s’il vous plaît votre recherche actuelle.Francis Garon

R. Je m’intéresse à la façon dont nous parlons collectivement des questions de diversité dans les sociétés démocratiques. Plus précisément, je prends une approche empirique face à ce qu’on appelle la démocratie délibérative, c’est-à-dire la communication libre, ouverte et informée entre des citoyens égaux qui cherchent à en arriver à des décisions contraignantes. L’idée de base tient à ceci que le vote ne suffit plus à légitimer les décisions politiques et que certaines autres formes de participation doivent être mises en place.

Ma perspective particulière consiste à examiner la façon dont les médias écrits représentent les discours dans la sphère publique au cours de la délibération publique sur les questions d’immigration et d’intégration.

Q. Chaque chercheur rencontre des obstacles et des défis au cours du processus d’enquête. Pouvez-vous mettre en évidence certains de ces défis et la façon dont vous les avez surmontés?

R. Prendre un idéal tel que la démocratie délibérative et essayer de lui donner un contenu empirique représente un véritable défi. En d’autres termes, prendre une philosophie politique et en «extraire» des indicateurs qui reflètent bien sa substance n’est pas une tâche facile. En outre, gardant à l’esprit que mes dévoués étudiants-chercheurs ont fait tout le codage manuellement, il s’agit d’un travail très intensif. Cependant, l’expérience a été enrichissante. J’ai présenté le résultat de ce travail à différentes conférences à travers le monde et, à chaque fois, le sentiment général est que la recherche était inspirante et novatrice.

Q. Comment abordez-vous ce domaine d’une manière différente, inattendue ou inhabituelle?

R. La recherche empirique sur la démocratie délibérative en est encore à ses balbutiements. Conçue au départ comme un idéal démocratique, elle fait maintenant l’objet de recherches empiriques afin de voir dans quelle mesure les interactions du monde réel se rapprochent de l’idéal. La recherche a progressé récemment à cet égard, mais tous les efforts demeurent en quelque sorte «inhabituels».

Q. Qu’est-ce qui vous a inspiré à poursuivre cette voie de recherche? Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour cette ligne d’enquête?

R. J’étais stupéfié par la façon dont les débats publics sur les questions d’immigration et d’intégration avaient proliféré au cours de la dernière décennie dans la plupart des sociétés occidentales. Venant du Québec, j’ai suivi de près tout le débat sur les «accommodements raisonnables» et, plus récemment, celui sur la «Charte des valeurs ». Je voulais donc trouver un moyen d’explorer, dans une perspective de recherche, comment ces débats se déroulent et quels résultats ils produisent.

Q. Est-ce que vous enseignez des cours cette année? Si oui, quels sont-ils? Intégrez-vous votre expérience de recherche dans votre pratique d’enseignement?

R. J’enseigne des cours sur les questions de diversité à la fois au premier et au deuxième cycles. Ce qui m’intéresse le plus, c’est d’explorer avec les étudiants les multiples couches de signification en jeu dans les différents modèles traitant de la diversité. Mon but est de faire prendre conscience aux étudiants qu’une idée telle que le «multiculturalisme» recouvre de nombreuses significations différentes. Elle peut signifier le simple fait que les sociétés modernes sont culturellement diversifiées; elle peut représenter une philosophie politique voulant que les démocraties libérales aient la responsabilité de protéger et de promouvoir la diversité; elle peut renvoyer à un cadre politique englobant à la façon de ce que nous avons au Canada.

Ces multiples couches sont souvent confondues dans les discours publics. Par exemple, il est toujours intéressant d’entendre des dirigeants tels qu’Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy affirmer que le multiculturalisme a échoué, alors que ces deux pays ne sont pas allés très loin en ce sens.

D’une façon plus provocatrice, je veux que les élèves sachent que le multiculturalisme n’est pas la seule façon de gérer la diversité. Dans le contexte canadien, cette idée simple peut parfois être un tabou. Ainsi, il est intéressant de voir comment les étudiants justifient leurs positions sur ces questions.

Q. Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui se lancent dans un projet de recherche pour la première fois?

R. La première recherche que l’on fait nous semble toujours écrasante. C’est un long processus qui implique différentes étapes devant converger en un tout. Bien sûr, vous devez être passionné par votre sujet de recherche. En même temps, la première recherche doit être réalisable. En d’autres mots, je dirais que le défi consiste à trouver un équilibre entre la passion et faisabilité. Un soutien approprié est également essentiel.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vous?

Q. Si vous pouviez dîner avec qui que ce soit, mort ou vivant, qui choisiriez-vous et pourquoi?

R. Ce n’est sans doute pas très original, mais ce serait Barack Obama. En tant que politologue intéressé par la délibération publique, il semble être la personnification du «démocrate délibératif»! Aussi difficile que ce soit aux États-Unis ces jours-ci, il est toujours à participer à des débats constructifs avec des adversaires sur d’importantes questions de fond.

Q. Que faites-vous pour le plaisir?

R. Jouer au tennis!