Dyane Adam

Dyane Adam, ancienne principale de Glendon

Marie-Lison Fougere

Marie-Lison Fougère, sous-ministre aux Affaires francophones de l’Ontario

Donald Ipperciel

Donald Ipperciel, Principal de Glendon

 

« L’anglais s’impose, le français se protège », mentionne Dyane Adam, ancienne principale du Collège Glendon. Le campus bilingue de l’Université de York l’accueillait, elle et une belle liste de conférenciers, dans le cadre de son troisième forum sur la francophonie torontoise.

Au cours de la journée, de nombreux professionnels du secteur des affaires privées et publiques, universitaires, étudiants ou représentants d’organismes francophones défilaient sur la scène de l’auditorium pour répondre à une seule et même question : le bilinguisme est-il un outil à double tranchant?

Le suspense ne dure pas trop longtemps s’il est question de valeur de la notion bilingue. La réponse est évidemment non. Tous les conférenciers en sont bien la preuve. Ouverture sur l’autre, opportunités personnelles et professionnelles, être bilingue aujourd’hui dans un monde interconnecté et international est un atout.

Attention, le terme «bilinguisme » a plusieurs sens. Et le bilinguisme de l’identité canadienne ne représente pas simplement une valeur ajoutée concrète – économique, culturelle ou sociologique – qu’est le fait de parler une langue supplémentaire.

Il est question du français et de l’anglais inscrits comme les deux langues officielles en Loi constitutionnelle. On ne parle pas de chiffres, qu’ils soient démographiques ou économiques, mais bien d’un fait historique et politique. Le Canada est un pays bilingue et le français est l’une de ses langues. Ceci étant dit, la question change. Qu’en est-il du bilinguisme canadien? Qu’en est-il plus particulièrement à Toronto, en Ontario?

Il est intéressant de voir que le bilinguisme canadien a évolué au fil des années. S’il fut un temps où la langue française était en guerre ouverte avec la langue anglaise, ce n’est plus le cas aujourd’hui. François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario, prenait l’exemple des plaques d’immatriculation de langue française disponibles aujourd’hui. « Elles auraient provoqué un tollé il y a 30 ans, observait ce dernier, avant d’ajouter : « On souhaite dépolitiser les services francophones ».

L’universitaire Raymond Mougeon proposait à l’assemblée les résultats de recherches démontrant l’évolution de la place du bilinguisme au sein de la communauté. Alors que dans les années 1970, une majorité de francophones privilégiait la langue française pour leur futur professionnel, la tendance actuelle est au bilinguisme.

« Ce n’est pas une question de langues, mais d’opportunités », annonçait Nada Benhachim, étudiante marocaine en échange international au campus Glendon. L’anglais n’est plus l’ennemi.

Si l’anglais n’est plus l’ennemi, « le bilinguisme peut être l’ennemi », notait Marie-Lison Fougère, sous-ministre aux Affaires francophones de l’Ontario. Le Canada est un pays officiellement et légalement bilingue, c’est un fait indiscutable. Mais pour tous les francophones qui ne vivent pas au Québec, le Canada est un pays anglophone.

« Il ne faut pas porter de lunettes noires ou de lunettes roses. L’assimilation, ça existe et nos institutions servent à lutter contre ça », observait François Boileau. Irvin Studin de l’Université de Toronto racontait une anecdote qui symbolise tout à fait la réalité linguistique de la province, lui, qui après avoir suivi ses études en immersion francophone, s’est retrouvé délaissé par ses anciens camarades anglophones qui quittaient l’exotique immersion francophone, car « il est l’heure d’aller dans le monde réel ». Le monde réel ontarien est anglophone et les Franco-Ontariens l’ont bien compris. Tous peuvent vivre en anglais puisque les services publics ou privés n’ont pas l’obligation d’être bilingues et même quand ils le sont, ils le sont parfois d’une façon… exotique.

Guy Mignault, directeur du Théâtre français de Toronto et membre du Comité français de l’hôtel de ville, amusait la salle en racontant sa bataille pour donner un chèque écrit en français : « C’est aussi pour ça que je fais partie du comité ».

« Il y a un côté qui tranche plus que l’autre. À un niveau personnel il n’y a que des avantages, mais si on monte à un niveau plus institutionnel dans certains cas le bilinguisme peut vouloir dire une diminution du français », disait Donald Ipperciel, principal du Collège universitaire Glendon au journal Le Métropolitain.

Le campus Glendon qui, en plus de célébrer son 50e anniversaire, recevait officiellement de la ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur, la désignation partielle de fournisseur de services de langue française. Tout un symbole pour ce représentant du bilinguisme tant veillé.

 

Par Laurence Stenvot, publié dans Le Métropolitain la semaine du 30 mars au 5 avril 2016