Clayton Ruby

En 2012, Me Clayton Ruby était classé parmi les 50 personnes les plus influentes de Toronto. Spécialiste du droit pénal et des droits humains, il est un des avocats les plus célèbres au Canada actuellement. On dit fréquemment de cet avocat, diplômé du Collège Glendon (B.A. 1963), qu’il n’est peut-être pas celui qui remporte le plus de causes, mais qu’il est probablement celui qui fait couler le plus d’encre médiatique dans la Ville Reine et au-delà.

En effet, depuis qu’il pratique le droit, Me Ruby a, entre autres causes, représenté l’Église de Scientologie, Donald Marshall (emprisonné pendant 11 ans pour un meurtre qu’il n’a pas commis), le chef vedette Michel Stadtländer (qui a été accusé de vendre du vin sans licence), et la seule survivante des quintuplées Dionne, pour n’en nommer que quelques-uns. Associé depuis 1973 au cabinet Ruby & Edwardh de Toronto, il est associé depuis 2008 au cabinet juridique de Ruby Shiller Shan Hasan, toujours à Toronto. Plus récemment, il est celui qui a presque chassé Rob Ford de la mairie de Toronto dans un dossier de conflit d’intérêt. Pour Clayton Ruby, « la reddition de comptes des politiciens est une question d’importance pour tous les Canadiens». L’affaire Ford, à son avis, soulève des questions juridiques intéressantes sur les pouvoirs des municipalités partout au pays.

Il y a quelques semaines, Me Ruby a rencontré les étudiants de l’École des Affaires publiques et internationales (EAPI) de Glendon dans le cadre des conférences hebdomadaires de cette école. Il a fait état de sa vision de la société et de la place de la défense des droits dans le fonctionnement de la société, et de l’importance de se battre pour affirmer et préserver nos droits civils et l’égalité.

Bien sûr, on lui a demandé pourquoi il avait accepté de s’en prendre au premier magistrat de Toronto. Pour Me Ruby, toute personne doit faire des choix moraux dans sa vie. Bien sûr, dit-il, « la plupart de ces choix sont de petits choix quotidiens, pas aussi importants que la poursuite contre le maire. Mais il faut toujours continuer à faire ces choix moraux.» Pour cet avocat réputé, si vous ne faites pas constamment ces choix moraux, vous n’êtes qu’un technicien, et peu importe l’étiquette plus ou moins glorieuse qu’on vous accole professionnellement, vous n’êtes qu’un technicien d’une sorte ou d’une autre.

Clayton Ruby affirme s’inspirer d’un philosophe anarchiste des années 1950, Paul Goodman, dont les écrits, dit-il, ont « animé toute une génération dans les années 1970, ce qui a fait que ce philosophe est devenu très important.» Paul Goodman, selon Me Ruby, a très bien expliqué, entre autres questions, le mécanisme employé par les autorités afin d’affirmer que les gens sont passifs et n’ont pas d’initiative. Ce mécanisme consiste simplement à museler l’initiative.

Pour Me Ruby, cela peut mener ultimement à une situation où il n’y a plus de débat public et de discussions pour examiner les façons dont nous produisons les biens, gérons les écoles, communiquons les idées, etc. Nous n’osons plus nous demander si ces façons sont les meilleures, les plus adaptées. Pourtant, ajoute-t-il, l’homme est censé être un animal qui expérimente en permanence.

À l’heure actuelle, explique-t-il, chacun se considère incapable de fournir par lui-même les biens les plus simples, ce qui génère une angoisse permanente plus ou moins consciente. C’est donc l’État et les autres institutions ou organisations établies qui décident pour lui. En conséquence, les gens sont davantage passifs en bonne partie parce qu’ils ont des problèmes quotidiens à résoudre. Dans ce contexte, ils recherchent spontanément des figures paternelles rassurantes. Selon Me Ruby, « cela décrit le maire Ford à bien des égards, et cela décrit l’auditoire de Ford. Je le dis sans ambages: cette angoisse ou anxiété quotidienne va bien au-delà de la raison. »

Donc, et c’est l’autre raison pour laquelle il a accepté de prendre cette cause, « quand vous vivez, vous devez savoir tracer la ligne. Cela fait partie de la définition d’un être humain; cela fait partie de ce que signifie vivre dans une société qui est à bien des égards absurde. » Pour Clayton Ruby, c’est un exercice très important qui permet de rester humain et c’est quelque chose que nous devons toujours conserver.

Parmi d’autres dossiers dans lesquels il s’est engagé figure la lutte pour l’égalité des droits de tous devant la loi. Clayton Ruby a intenté une action en justice contre une décision du Gouvernement de la Colombie-Britannique qui enfreignait l’article15 de la Charte des droits et libertés parce que ce gouvernement avait émis un permis pour une école qui n’était pas ouverte à une partie de la population, donc qui était discriminatoire.

Il a aussi été très actif dans toutes les délégations gaies il y a 20 ans, parce qu’à ce moment, la discrimination était répandue et il n’y avait pas d’avocats représentant les gais. Avec des amis, Clayton Ruby a donc accepté de se charger d’un grand nombre de ces cas de discrimination et ils ont mené toutes les luttes constitutionnelles nécessaires. Il se réjouit qu’aujourd’hui, ce ne soit plus considéré comme quelque chose de honteux que d’être gai. Maintenant, dit-il, « il y a des avocats gais partout et ils ont repris ce travail. J’en suis ravi.»

Clayton Ruby est un homme de principes, et il entend bien continuer son travail de défense des droits civils et de l’égalité de tous.

Par Michel Héroux