Graham Fraser, Commissaire aux langues officielles

Graham Fraser

En remerciant l’Université York et le Collège Glendon pour le doctorat honoris causa qu’il venait de recevoir le 21 juin dernier, le Commissaire aux langues officielles du Canada n’a pas hésité à dire aux nouveaux diplômés du collège universitaire que la maîtrise de deux ou plusieurs langues constituait une véritable compétence de leaders. Conseillant aux diplômés de conserver précieusement les amis qu’ils se sont faits à l’université, Graham Fraser leur a dit de maintenir jalousement la deuxième langue apprise ou perfectionnée à Glendon. « Appuyez-vous sur les possibilités que la maîtrise de vos deux langues va vous fournir », a-t-il affirmé. « Comprenez aussi que le bilinguisme est une importante composante de votre leadership dans la société où vous vous engagez, diplôme en poche.»

En parlant ainsi, M. Fraser respectait la tradition voulant que les récipiendaires de doctorats honorifiques ne quittent pas le campus de l’université sans avoir offert quelques conseils aux nouveaux diplômés. Pour lui, ce fut un privilège très particulier que de recevoir un diplôme honorifique du Collège universitaire Glendon, en raison de l’engagement de longue date de Glendon envers la dualité linguistique et le bilinguisme. Selon le Commissaire, « le Collège Glendon a été un pionnier dans le domaine de l’immersion postsecondaire. Il a innové il y a 50 ans et il a fourni un exemple qui commence à peine à être imité. »

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L’allocution prononcée en anglais et en français a aussi permis à M. Fraser de rendre un hommage bien senti à Ken McRoberts qui en était à sa dernière cérémonie d’ouverture en tant que principal du collège. « Tout comme le fondateur Escott Reid était, selon les mots d’Alyson King, ‘résolu et passionné dans sa quête de sa vision directrice de Glendon comme établissement entièrement bilingue, comme collège d’arts libéraux’, la même chose peut être affirmée à propos de Ken McRoberts. Dès ses débuts comme principal, il a tout fait pour faire revivre la vision qu’Escott Reid avait initiée. Et qui, mieux que lui, pouvait le faire ? », a-t-il demandé. Saluant le nouveau principal, Donald Ipperciel, le Commissaire a rappelé que son expérience au Campus Saint-Jean de l’Université d’Alberta, qui joue un rôle essentiel pour la communauté franco-albertaine, lui sera un atout formidable dans ses nouvelles fonctions.

Conseils aux diplômés

S’adressant directement aux nouveaux diplômés du Collège Glendon, Graham Fraser a avoué avec candeur se sentir un peu tiraillé. Il leur a dit : « Je ne suis pas certain de comprendre suffisamment bien les défis de votre génération pour vous donner des conseils qui vous seront utiles. Puis, il me semble que la toute dernière chose susceptible de vous intéresser lors d’une journée comme aujourd’hui, ce sont les conseils gratuits de quelqu’un que vous ne connaissez même pas. »

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Graduands

Surmontant ses hésitations, le Commissaire aux langues officielles a abordé le fond de son allocution. Il a rappelé qu’il y a près de 60 ans, son père, le journaliste Blair Fraser, avait déclaré dans un discours que c’était une ‘honte nationale’ que dans ce Canada prétendument bilingue, si peu d’entre nous parlaient plus d’une de nos deux langues officielles, et que dans la petite minorité qui les parlaient toutes les deux, la grande majorité avaient le français comme leur langue maternelle.

Cette critique sévère, heureusement, « ne s’applique pas à vous [étudiants de Glendon] et vous devez être fiers de cela. C’est d’ailleurs en réaction à ce genre de critique qu’a été créé le collège Glendon et c’est tout à l’honneur de l’Université York que cette tradition se poursuive », a-t-il ajouté. Graham Fraser a enchaîné en disant qu’il serait dangereux de se reposer sur ses lauriers. « Je veux vous exhorter à maintenir la deuxième langue que vous avez apprise ou améliorée à Glendon, car cela est plus difficile qu’il n’y paraît. »

Pour M. Fraser, parler et comprendre une langue n’est pas seulement une compétence intellectuelle, elle est en quelque sorte physique. Tout comme un athlète qui arrête de s’entraîner, quelqu’un qui arrête d’utiliser une langue finira par la perdre. Il faut donc un engagement sérieux et volontaire, de même qu’une discipline personnelle pour apprendre et surtout conserver une deuxième langue, tout comme l’engagement et la discipline sont nécessaires pour maintenir une bonne forme physique.

Il a ajouté que les récompenses pour ce faire sont incroyables. Il a affirmé : « Je ne parle pas ici de récompenses monétaires, même si elles existent. Les gens bilingues gagnent plus d’argent que les gens unilingues, c’est bien connu. Je ne veux même pas parler non plus de la recherche d’Ellen Bialystok qui démontre que le bilinguisme retarde l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Non, je parle de l’excitation et du sens de la découverte qui viennent de l’exploration d’une autre culture. »

Graham Fraser a expliqué qu’il y a une profonde stimulation et une conscience nouvelle qui proviennent de l’apprentissage d’une langue seconde. « Si vous avez appris l’anglais ou le français comme seconde langue, vous vous êtes donné accès à des associations culturelles, sociales et politiques différentes et dynamiques. Le processus même de l’apprentissage de votre deuxième ou troisième langue élargit vos horizons, améliore vos compétences sociales et interpersonnelles et vous donne une nouvelle perspective sur la société et les gens », a-t-il ajouté. Pour Graham Fraser, en apprenant le français, non seulement a-t-il appris davantage de son pays, mais il a aussi développé une nouvelle sensibilité aux réalités de l’immigration et de la diversité culturelle.

Le leadership

M. Fraser a confié à son auditoire avoir appris une chose à titre de Commissaire aux langues officielles : la maîtrise d’une langue est une compétence indispensable au leadership. Selon lui, il est difficile de gérer des employés, de servir des clients, d’entraîner une équipe de hockey ou de traiter avec le public si l’on ne parle pas la langue de ceux avec qui nous sommes en relation. Dans bien des milieux de travail au Canada, comme dans le monde entier, il est de plus en plus  important de parler plus d’une langue pour réussir en affaires et dans la société. Il a rappelé aux diplômés de Glendon qu’ils sont dans une situation privilégiée pour promouvoir l’utilisation des deux langues officielles dans le milieu des affaires, entre autres.

Terminant son allocution de remerciement, le Commissaire a dit aux nouveaux diplômés : « Vous êtes sur le point d’entreprendre une nouvelle phase de votre vie. J’espère qu’elle sera tout aussi remplie de possibilités d’apprentissage que les quatre dernières années l’ont été. Sachez, enfin, que durant toute votre vie et votre carrière, vos échecs seront aussi importants et aussi précieux que vos succès », a-t-il conclu.

Par Michel Héroux