UN FRUCTUEUX TOUR D’HORIZON !

Les trois tables rondes organisées lors du Forum de la francophonie torontoise, le 22 mars dernier, ont permis de mieux comprendre l’évolution de la francophonie torontoise – et même ontarienne – dans les domaines de la santé, de la culture et de l’éducation et ce, au cours du dernier demi-siècle.

La santé

En santé , les participants ont rappelé que les institutions dans ce domaine à Toronto sont relativement nouvelles; le secteur de la santé est le dernier-né de la communauté francophone et selon les participants, il est plus que temps que l’on investisse dans ce domaine. On a aussi souligné le fait paradoxal que, alors que l’on a accès à une foule de services en français à Toronto, lorsque les gens vieillissent et arrivent à un point de leur vie où ils sont les plus vulnérables, l’accès à des soins en français est presque impossible.

Est-ce que le domaine de la santé peut devenir un lieu d’assimilation à la majorité anglophone, surtout si des initiatives en faveur de soins aux francophones sont réalisées en partenariat avec des institutions anglophones ? Voilà une question parmi d’autres qui a été soulevée. Les participants ont indiqué qu’au plan communautaire, il faut savoir s’organiser entre francophones. Mais comme à Toronto, la communauté  francophone est partout et nulle part à la fois, pour des services pointus et ultra spécialisés, il faudra savoir travailler avec des institutions anglophones. Mais au total, en Ontario, on vit présentement un moment extraordinaire, même si on constate parfois un certain essoufflement chez les francophones à qui échoit souvent une double charge de travail en raison de leur bilinguisme.

La culture

En culture , un participant a estimé que le jour commence à poindre pour la francophonie métropolitaine de l’Ontario. Selon lui, Toronto est méconnaissable grâce à l’apport d’une francophonie diverse. Mais le directeur du journal l’Express de Toronto demeure inquiet, car il ne voit pas l’impact dans la réalité quotidienne ou dans la fréquentation des spectacles ou dans l’accroissement du lectorat de son hebdomadaire.

Pour les auteurs franco-ontariens, il semble se passer quelque chose, surtout quand on compare la situation à celle qui prévalait dans les années 1970. Le public au théâtre français de Toronto rajeunit. Toutefois, les liens ne se font pas avec les conseils scolaires et les écoles pour tenter de faire étudier et de pérenniser les textes de nos auteurs. On s’étonne aussi du français entendu dans la rue sur Younge, ce qui amène un autre participant à dire que beaucoup de francophones viennent s’établir à Toronto, et que la francophonie de Toronto a poussé en même temps que les tours à condos. Évidemment, nous sommes à l’ère du numérique, ce qui pose un défi additionnel. Les franco-torontois doivent savoir interpeler le public sur les plateformes numériques et sur des outils comme Youtube, ce vers quoi s’oriente TFO. Il ne faut jamais oublier que les franco-torontois  vivent, minoritaires, dans un milieu majoritairement anglophone. Ils doivent donc  communiquer qui ils sont, ce qu’ils font avec une méthodologie qui va atteindre le public visé.

Les participants ont aussi affirmé qu’il faut redonner la parole aux jeunes dont la musique est le langage universel. Les jeunes francophones sont bilingues et ils veulent leur information via les médias sociaux. Il faut savoir parler la langue des jeunes en français. Enfin, les échanges dans ce secteur se sont terminés avec la suggestion de donner la parole aux jeunes francophones en mettant sur pied un sommet de la jeunesse francophone d’ici un an.

L’éducation

La table ronde sur l’éducation a permis à ses membres de mesurer le chemin parcouru depuis la création de la première école d’immersion française à Toronto en 1962. Du côté du gouvernement ontarien, il y a une loi sur les services en français depuis 1986. Depuis 2007, cette loi a été modifiée pour créer le poste de commissaire aux services en français, analogue au poste fédéral de commissaire aux langues officielles, « mais avec moins de ressources…», d’ajouter son titulaire actuel. Le commissaire ontarien travaille sur des plans systémiques. Ce travail a mené à la publication d’un rapport sur les écoles françaises dans le Grand Toronto, et à un autre rapport en juin 2012 sur l’état de l’enseignement supérieur en français dans le sud-ouest de l’Ontario. Dans ce dernier rapport, le commissaire a constaté une large iniquité dans l’accès aux programmes universitaires en français dans le Sud-Ouest de l’Ontario.

Les participants ont aussi noté que le Collège Glendon dépend beaucoup des écoles primaires et secondaires pour son recrutement d’étudiants aptes à devenir des professionnels œuvrant dans les deux langues. On a rappelé que des défis demeurent pour les programmes de francisation, car seulement 35 % des jeunes francophones poursuivent leurs études en français jusqu’à la 12e année. Il leur manque donc des opportunités pour s’intégrer à la francophonie.

Pour certains participants qui ont rappelé que les jeunes ont aujourd’hui la fierté du bilinguisme, il ne faut pas avoir peur de cette nouvelle identité bilingue. Il y a aussi les jeunes qui parlent trois et quatre langues, ce qui est une extraordinaire richesse. Enfin, si d’aucuns acceptent le franglais, d’autres par contre s’y opposent, jugeant nécessaire non seulement de fonctionner en français, mais aussi de le faire dans une langue de qualité.

En conclusion, ces trois tables rondes ont permis un tour d’horizon assez exceptionnel de la francophonie torontoise, de ses progrès et des défis qu’elle devra relever pour l’avenir.

Par Michel Héroux


La table ronde sur la santé, animée par Gilles Marchildon, regroupait Lise-Marie Beaudry, Gisèle Hauser, Yolande D. Pitta, Guy Proulx et Jean Roy.

Animée par Marcelle Lean, la Table sur la culture était formée d’Alain Baudot, François Bergeron, Claude Guilmain, Guy Migneault, Glen O’Farell et Robert Renaud.

Animée par Françoise Mougeon, cette table regroupait François Belleau, John Godfrey, Betty Gormley, Ghyslaine Hunter-Perrault et Michael Salvatori.