« ENGAGEZ-VOUS EN POLITIQUE ! »


Les étudiants de l’École des affaires publiques et internationales du Collège Glendon ont eu la chance d’entendre en janvier dernier l’ancien sénateur canadien Michael Meighen, qui leur a lancé un appel à l’engagement politique dans le parti de leur choix. Invité à traiter du «caractère évolutif de la politique des partis dans la fédération canadienne», M. Meighen a peint un tableau très réaliste de la situation des partis politiques et de la partisannerie au pays.

Pour lui, autant les partis que leur partisannerie sont en train d’évoluer actuellement. L’ancien sénateur a rappelé qu’un parti politique est une organisation dont un des objectifs essentiels consiste à participer aux affaires publiques en soutenant un ou plusieurs de ses membres ou candidats et en appuyant leur élection. Selon cette définition, un parti politique est un mécanisme par lequel ceux qui sont prêts à servir les Canadiens sont en mesure de briguer une charge publique élective.

Les partis favorisent aussi l’articulation des intérêts de ceux qui cherchent à porter leurs vues à l’attention du public pour chercher à influencer le processus de politique publique. Les partis ont un programme (partis idéologiques) et ils facilitent l’interaction du gouvernement avec le public sur des sujets d’intérêt national ou régional (rôle de courtier). Il y a donc des partis plus idéologiques, et d’autres qui sont plus enclins à agir comme courtiers. Selon Michael Meighen, les partis conservateur et néo-démocrate sont des partis idéologiques ayant du mal à devenir des partis de courtage, tout en conservant certains restes des idéologies qui les sous-tendent.

Pour lui, les partis politiques fédéraux représentés aujourd’hui à la Chambre des communes sont un croisement entre les deux types de partis. Les partis «courtiers» cherchent à maximiser leur support en occupant le centre de l’échiquier politique. Michael Meighen ne croit pas possible que les partis occupant la gauche de l’échiquier politique en arrivent à unifier leurs forces d’ici l’élection de 2015.

«Il est clair,» de dire Meighen, «que le NPD vise rien de moins que le pouvoir à la prochaine élection, alors que les libéraux vont chercher à retrouver leur gloire passée. Je vois mal comment l’unification de la gauche que certains espèrent pourrait se réaliser. Et je n’ai pas parlé des Verts…» Pour l’ancien sénateur, le PLC, le NPD et peut-être même les Verts évoluent au plan interne, car ils sont à revoir leurs programmes politiques pour faire appel au plus grand nombre de Canadiens possible afin de maximiser leur influence politique, tout en restant fidèles à leurs racines idéologiques.

Le Parti conservateur devrait normalement se trouver plus à droite de l’échiquier politique. Mais par nécessité, avec le ralentissement économique en 2008, il a commencé à évoluer avec son budget de janvier 2009, acceptant le plus important déficit de l’histoire du Canada. «Les événements et le pragmatisme peuvent surmonter l’idéologie !», a-t-il dit.

Bref, a-t-il conclu cette partie de son exposé, «je crois que nous entrerons dans l’élection 2015 à peu près comme nous sommes entrés dans l’élection de 2011, bien sûr, à l’exception du fait que le NPD va essayer de tirer parti de son succès de 2011 et que les libéraux essaieront de redevenir l’Opposition officielle, faute de prendre le pouvoir. À ce stade, il est difficile de prédire ce que le reste du Bloc fera.»

Et la partisannerie ?

Un aspect de l’évolution des partis politiques et de leurs élus dont il a dit être très préoccupé, c’est le niveau d’animosité qui s’est manifestée dans la dernière décennie. Il en a parlé brièvement dans son dernier discours au Sénat pour affirmer que «l’esprit de parti devrait être un moyen d’unir et de construire, pas de diviser». Pour Michael Meighen, le problème avec la partisannerie débridée est qu’elle abaisse l’opinion du public sur le processus politique et conduit au désengagement.

L’étude de Samara Canada, une organisation qui travaille pour améliorer l’engagement politique et civique, a démontré que le déclin de l’engagement politique au pays est le résultat d’une exposition directe au processus politique, et le résultat de la méconnaissance du fonctionnement du système politique canadien. L’étude a conclu qu’il est possible que le public reprenne davantage confiance dans le système. Mais pour cela, les gens ont besoin de sentir que ceux qui sont au pouvoir vont tenir compte de leurs voix, et que la politique peut devenir pertinente à leurs préoccupations quotidiennes. Et l’étude ajoute que ce n’est qu’en comprenant les préoccupations des désengagés que nous pouvons commencer à proposer des solutions à ce problème.

Pour Michael Meighen, non seulement les gens ont-ils besoin de se faire entendre, mais les partis politiques qui les écoutent doivent commencer à traiter avec respect non seulement le processus politique et les électeurs qui les ont élus, mais également leurs collègues parlementaires. «Récemment, les partis et en particulier leurs dirigeants ont eu tendance à mettre l’accent sur des tactiques négatives et de la discorde.»

L’ancien sénateur a rappelé que dans le passé, les gouvernements minoritaires dirigés par le premier ministre Pearson et en Ontario par le premier ministre Davis ont réussi parce qu’il y avait une possibilité de rechercher et de trouver un terrain d’entente. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire de même aujourd’hui? Ou, comme M. Davis l’a dit un jour : «Ce n’est pas si difficile de décrocher le téléphone, pour l’amour de Dieu !»

Michael Meighen est clair : le devoir le plus important des élus est de garder la législature en marche, de faire le travail requis pour la population, et de ne pas chercher en permanence des raisons pour déclencher des élections coûteuses, indésirables et inutiles. La tâche des dirigeants des partis devrait être de combler les divisions et les lacunes et non de les exacerber, même si cela peut souvent impliquer de dire à vos propres partisans que les compromis sont nécessaires.

Il a ajouté qu’à moins que les personnes concernées ne décident d’avancer dans cette direction, les partis politiques canadiens iront vers leur déclin. « Ils seront alors remplacés par des groupes d’intérêt qui croient qu’opérer en dehors de notre système de gouvernement est plus efficace que l’engagement politique. Et nous n’avons pas à chercher bien loin pour voir ce qui se passe maintenant. Le Occupy Movement de l’année dernière et maintenant le Idle No More sont d’excellents exemples de gens qui croient que les partis politiques n’entendent pas leurs préoccupations ou sont retranchés dans le statu quo, et qu’ils doivent travailler en dehors du système pour être entendus et faire avancer leurs idées», a-t-il expliqué.

C’est au terme de son exposé que Michael Meighen a repris un appel à la jeunesse qu’il avait déjà lancé au Sénat : « J’invite chacun et chacune d’entre vous à envisager une certaine forme d’engagement politique, notamment en vous engageant dans un parti politique, quelle que soit sa couleur», a-t-il ajouté.

 

Par Michel Héroux